
Les meilleures pratiques pour un SaaS performant
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Quand on construit un SaaS, les premières décisions techniques ont souvent plus d’impact qu’on ne l’imagine. Architecture, scalabilité, sécurité, performance : tout est lié. Et ce sont ces choix, parfois faits dans l’urgence, qui conditionnent la santé du produit sur le long terme.
Dans cet article, je partage comment j’architecture mes projets perso et pro — c’est notamment comme ça que je procède chez MindsersIT. L’idée, c’est de documenter une approche pragmatique que j’utilise pour construire des architectures SaaS robustes, maintenables, capables de scaler proprement sans faire exploser les coûts. Je m’appuie sur une stack éprouvée, mais surtout sur des principes adaptables à chaque phase d’un produit.
Bien choisir l’architecture de son SaaS
Deux grandes approches s’opposent lorsqu’on conçoit l’architecture d’un SaaS : le monolithe modulaire, et l’architecture split frontend/backend.
Le monolithe modulaire regroupe frontend, routes et logique serveur dans une seule base de code. Contrairement à un monolithe classique souvent peu structuré, cette approche repose sur une architecture claire par modules fonctionnels. Chaque responsabilité (auth, billing, notifications…) est isolée, testable, et potentiellement extractible. Résultat : un développement plus rapide, moins de friction d’infra, et une bonne cohérence entre les couches.
En face, l’architecture split sépare totalement le frontend (souvent une SPA) du backend (API REST ou GraphQL). C’est plus structurant, mais aussi plus coûteux à mettre en place et à maintenir, surtout au démarrage.
Chez MindsersIT, on commence souvent par un monolithe modulaire, en utilisant React Router v7 (ex-Remix) pour une app full-stack unifiée. Et quand une partie devient trop complexe ou critique, on l’extrait vers un backend dédié, développé en NestJS. L’ensemble est organisé dans un monorepo, ce qui permet de garder une base de code unifiée, tout en isolant progressivement les modules les plus critiques pour une meilleure lisibilité et évolutivité.
Prenons un exemple typique avec React Router v7 pour illustrer comment on passe d’un monolithe à un backend séparé. Initialement, la logique métier peut être incluse directement dans le loader :
export async function loader() {
const notifications = await getNotificationsFromDatabase();
return notifications;
}
Lorsque j’extrais les notifications vers un backend NestJS, ce loader devient un simple point d’agrégation des données récupérées depuis une API externe :
export async function loader() {
const response = await fetch("https://api.monsaas.com/notifications");
if (!response.ok) throw new Error("Failed to fetch notifications");
return response.json();
}
Du point de vue du composant frontend, rien ne change. Le loader continue de lui fournir les données dans le bon format. C’est ce qu’on appelle un Backend For Frontend (BFF) : un point d’entrée intermédiaire, optimisé pour les besoins spécifiques de l’interface. Ce modèle permet une transition fluide entre un monolithe et une architecture plus distribuée, sans tout casser côté produit.
Gérer la scalabilité sans exploser les coûts
Un SaaS qui scale, ce n’est pas une architecture “enterprise ready” dès le jour 1. C’est une capacité à adapter l’infrastructure aux besoins réels, sans surcoûts inutiles.
Personnellement, j’ai l’habitude de toujours commencer par un monolithe, même dans des projets pro. Cela permet d’aller vite, tout en posant les bases techniques. Mais ce monolithe est structuré pour qu’on puisse facilement le découper plus tard si nécessaire, en fonction de la croissance du produit.
Pourquoi pouvoir découper le système en composants scalables indépendamment c’est important ? Un monolithe, on le scale dans son ensemble. Mais si on isole API, workers, frontend, on peut scaler chaque morceau selon sa charge. Encore une fois ce découplage doit faire sens : côté business, roadmap produit, et capacité de l’équipe à maintenir.
Docker + Kubernetes : scaler intelligemment
Tous mes projets tournent sur des images Docker déployées dans un cluster Kubernetes. Le nombre de containers dépend du stade du projet, de la maturité produit, et des contraintes techniques. L’objectif reste le même : faire évoluer la charge uniquement là où c’est utile, sans tout dupliquer.
Par exemple, dans une première version (le MVP), je prévois souvent un seul container pour l’application et un autre pour la base de données. Ensuite, en phase de croissance, j’ajoute un container dédié au frontend, plusieurs containers pour le backend, et un setup de réplication pour la base de données. Plus tard, je peux aller plus loin : éclater le backend en plusieurs services internes, ajouter une base Redis pour les tâches asynchrones ou le cache, intégrer des workers standalone…
L’intérêt, c’est que cette montée en complexité peut se faire progressivement, sans replatforming brutal. Docker et Kubernetes assurent une continuité d’infrastructure entre chaque étape.
J’utilise aussi ces deux outils parce qu’ils me plaisent — et parce que je suis à l’aise avec eux. Ils me permettent de gérer l’infrastructure plus facilement, avec beaucoup de souplesse au quotidien. Certes, leur mise en place est parfois plus chronophage que d’autres solutions clés en main. Mais sur le long terme, c’est un gain net en confort, en robustesse, et en agilité.
PostgreSQL + Prisma : base solide, usage pragmatique
J’utilise PostgreSQL avec Prisma. Ce n’est pas l’ORM le plus performant du marché, mais il offre une grande lisibilité, une abstraction propre, et une gestion simple des migrations. Surtout, il me permet d’intégrer rapidement de nouveaux développeurs dans mes projet pro.
PostgreSQL, lui, reste un choix très solide : robuste, open source, bien documenté et compatible avec une large gamme de fonctionnalités avancées (transactions, contraintes, index, vues matérialisées…). Ces fonctionnalités permettent souvent d’alléger une partie de la logique applicative côté backend, ce qui fait gagner en performance comme en maintenabilité.
C’est un choix pragmatique. Et si un jour une application nécessite des perfs que Prisma ne peut atteindre — même entre les mains de mes meilleurs devs — alors je bascule sur Drizzle, plus bas niveau, plus optimisé mais toujours assez flexible.
BullMQ : découpler les traitements lourds
Pour les jobs asynchrones (notifications, traitement de fichiers, webhooks…), j’utilise BullMQ. Il s’appuie sur Redis, permet de prioriser, de retenter, et d’orchestrer finement les traitements. Par exemple, sur un de mes projets SaaS, les envois de mails passent tous par une file BullMQ, traitée par des workers NestJS isolés.
Un autre intérêt de BullMQ apparaît lorsqu’on travaille avec une architecture basée sur des containers (Docker, Kubernetes). Ces containers peuvent être lancés ou supprimés dynamiquement selon les besoins de scalabilité ou de maintenance. Le problème, c’est qu’on ne peut pas savoir à l’avance combien d’instances tourneront, ni où elles seront au moment exact de l’exécution.
Dans ce contexte, certaines tâches comme les CRON ou les jobs de fond ne peuvent pas être gérées directement dans l’application elle-même — au risque qu’elles soient exécutées en double, ou pire, pas du tout si le container est arrêté au mauvais moment.
BullMQ me permet de sortir cette logique du cycle de vie applicatif. Les tâches sont stockées de manière fiable dans Redis, puis exécutées par une ou plusieurs instances de workers. C’est un moyen robuste d’assurer que les jobs s’exécutent une fois, au bon moment, sans dépendre d’un container unique.
Optimiser la performance dès la conception
Ce n’est pas une question de patchs. Les gains viennent souvent de décisions prises dès la conception. Si on veut éviter l’overengineering, l’objectif, c’est de rendre les futurs changements aussi simples et naturels que possible. C’est vrai pour l’ajout de fonctionnalités, pour la gestion des erreurs… et même pour les optimisations de performance. J’en ai déjà pas mal parlé dans les sections précédentes, mais le principe reste le même : il faut préparer son architecture pour qu’elle évolue sans douleur.
Observabilité : voir avant que ça casse
Je déploie systématiquement Grafana et Prometheus. Ces deux outils me permettent de suivre en continu les métriques clés : temps de réponse, taux d’erreur, consommation mémoire, etc. L’objectif, c’est de détecter les problèmes avant qu’ils ne deviennent visibles côté utilisateur.
Et dans un projet en production, ça change tout. Sans observabilité, on navigue à l’aveugle. Savoir ce qui se passe — et pourquoi — devient critique dès qu’on a des utilisateurs réels, un volume de données conséquent, ou des dépendances extérieures.
J’ai choisi ces outils parce qu’ils sont puissants, bien intégrés à l’écosystème Kubernetes, et open source. Ils me permettent de mettre en place une solution d’observabilité fiable sans devoir multiplier les outils ou recourir à une solution SaaS dès les premières phases du projet.
Autre avantage : ce sont des standards. La communauté est très active, la documentation est abondante, et il est facile de trouver de l’aide — que ce soit via des ressources en ligne ou des freelances spécialisés.
Enfin, un seul Grafana et un seul Prometheus suffisent pour superviser l’ensemble d’un cluster. Ça limite la complexité technique, tout en posant des bases solides pour la suite.
Requêtes maîtrisées
L’optimisation des requêtes, c’est souvent là qu’on peut gagner beaucoup sans tout changer à l’architecture. Il suffit parfois d’un peu de discipline pour améliorer significativement la performance d’un SaaS, surtout à mesure que la charge augmente.
Voici quelques bonnes pratiques que j’applique systématiquement (et pourquoi elles comptent) :
- Pagination par défaut : limiter le volume de données retourné à chaque appel pour éviter les ralentissements côté client et serveur.
- Batching des appels : regrouper plusieurs petites requêtes en une seule pour réduire les allers-retours vers la base de données.
- Pas de N+1 : éviter de faire une requête par élément d’une première requête, ce qui peut exploser le nombre total d’appels.
Avec Prisma, je garde facilement le contrôle. Et si je sors du scope ORM, je code les requêtes sensibles à la main.
Cache intelligent
Le principe du cache, c’est de stocker temporairement des résultats déjà calculés pour ne pas avoir à les recalculer à chaque requête. Ça peut se faire côté serveur comme côté client. L’idée est simple : si une information a peu de chances de changer d’un appel à l’autre, autant la garder sous la main. Cela permet de gagner à la fois en rapidité et en économie de ressources serveur.
Le cache est donc un levier puissant pour soulager le backend et améliorer l’expérience utilisateur. J’utilise Redis pour stocker temporairement les résultats des appels les plus coûteux ou les réponses stables qui ne changent pas souvent. Cela réduit considérablement la pression sur la base de données.
Côté frontend, React Router v7 propose un système de cache court-terme intégré à ses loaders. Il permet de conserver les données entre les navigations, sans avoir besoin de refaire systématiquement les appels. Il active également par défaut un mécanisme de preloading, qui charge les données avant même que l’utilisateur ne clique, ce qui améliore fortement la vitesse perçue de l’interface.
Résultat : moins de charge serveur, meilleure UX.
Sécuriser sans ralentir
Sécuriser un SaaS, ce n’est pas seulement ajouter des barrières contre les attaques. C’est aussi une manière d’améliorer la performance globale du système.
En filtrant en amont les requêtes invalides ou malveillantes, on évite des traitements inutiles. Le rate limiting, la validation stricte ou encore l’auth stateless permettent de préserver les ressources serveurs, de réduire la latence et de fluidifier l’expérience utilisateur. Sécurité bien pensée = backend plus rapide.
Concrètement, voici quelques bonnes pratiques simples que j’applique systématiquement :
- Rate limiting sur les routes sensibles (évite les abus et protège la bande passante)
- Validation stricte (Zod, class-validator — pour ne pas traiter des requêtes inutiles)
- Logs en cas d’anomalie ou d’abus (pour réagir vite sans mobiliser les ressources inutilement)
Mettre en place un delivery fiable
Un SaaS performant, ce n’est pas seulement une bonne architecture ou un backend optimisé. C’est aussi un produit qu’on peut faire évoluer en continu, sans risquer de tout casser. Un delivery fluide et fiable permet de livrer plus souvent, plus sereinement — et donc de mieux répondre aux besoins des utilisateurs.
CI/CD avec GitHub Actions + Kubernetes
Dès que le projet devient un minimum sérieux, je mets en place une pipeline CI/CD. J’utilise GitHub Actions pour automatiser le processus : chaque push déclenche une build Docker, une suite de tests, puis un déploiement automatique sur l’environnement staging (et parfois production).
Ça me permet :
- d’avoir une image Docker propre à chaque commit,
- de garantir que les tests passent avant mise en ligne,
- de limiter les déploiements manuels (et donc les erreurs humaines),
- de livrer rapidement dès qu’une feature est prête.
Kubernetes prend le relai pour orchestrer les containers et garantir un déploiement progressif ou atomique selon les besoins. Et comme j’ai structuré le projet autour de containers dès le départ, je n’ai rien à adapter au moment d’industrialiser la livraison.
Feature flags et rollbacks sans douleur
Une fois en prod, tout ne doit pas être activé en même temps pour tout le monde. J’utilise des feature flags pour piloter l’activation des fonctionnalités. Ça me permet de tester en conditions réelles, d’activer progressivement une nouvelle fonctionnalité, voire de la désactiver immédiatement en cas de souci.
C’est simple, mais terriblement efficace. On évite les gros rollbacks, les interventions d’urgence, les patchs dégueulasses à chaud.
Je peux aussi utiliser ces flags pour faire de l’A/B testing, activer certaines features uniquement pour des groupes d’utilisateurs internes ou VIP, ou encore valider une refonte sans impacter tous les clients d’un coup.
Tests automatisés : ciblés, mais stratégiques
Je ne suis pas dogmatique sur les tests. Je n’écris pas des tests unitaires pour chaque composant ou chaque bout de service. Mais je sais ce que je veux éviter à tout prix : passer ma soirée à débugguer une régression critique.
Du coup, je mets des tests automatisés là où ça compte :
- les règles métier sensibles,
- les parties critiques du système (auth, paiement, gestion des accès…),
- les workflows complexes qui s’appuient sur plusieurs services.
Le reste ? Je préfère avoir une base de code lisible et bien structurée. Ça se relit vite, ça se corrige vite. Et si un test devient trop coûteux à maintenir, je le supprime sans hésiter.
Retour d’expérience : ce que je referais (ou pas)
Avec le temps, j’ai pris du recul sur les choix techniques que j’ai faits — bons comme mauvais. En construisant différents SaaS (pour mes projets comme pour mes clients), j’ai identifié ce qui fonctionnait à long terme, et ce que j’éviterais aujourd’hui.
Les erreurs à ne pas reproduire
- Trop anticiper la scalabilité : vouloir “faire propre” trop tôt m’a parfois fait perdre du temps sur des services séparés, orchestrations complexes ou micro-services prématurés. Un monolithe bien structuré m’aurait suffi.
- Sous-estimer l’observabilité : quand il n’y a pas de logs, pas de métriques, on perd un temps fou à comprendre ce qui se passe. Aujourd’hui, Grafana/Prometheus font partie de mes fondamentaux dès la V1.
Ce que je referais à chaque fois
- Démarrer avec un monolithe modulaire : ça permet de coder vite, d’itérer sans friction, tout en gardant la porte ouverte pour une évolution vers une architecture plus distribuée.
- Mettre Docker + Kubernetes dès le début : c’est plus de setup au départ, mais tellement plus de confort ensuite pour scaler, tester ou livrer. Et ça rend l’environnement de dev proche de la prod.
- Utiliser BullMQ, Redis, Prisma, PostgreSQL : ces outils sont fiables, bien documentés, avec une communauté solide. Je les connais bien, je suis productif avec, et je sais qu’ils tiendront la route en prod.
Pourquoi je garde cette stack
Elle est pragmatique. Pas la plus minimaliste, ni la plus “à la mode”. Mais elle me permet :
- de livrer rapidement,
- de garder une architecture claire,
- d’embarquer d’autres développeurs sans devoir tout réexpliquer,
- de faire évoluer un projet sans devoir tout réécrire.
Et surtout, elle me donne confiance quand je suis en production.
Conclusion
Construire un SaaS performant, ce n’est pas appliquer une recette universelle. C’est prendre des décisions techniques qui tiennent compte du produit, de son stade de maturité, de l’équipe en place — et des ressources disponibles.
Ce que j’essaie de faire, projet après projet, c’est de poser une base saine. Une architecture lisible, qui permet de livrer vite, d’observer ce qui se passe en prod, et d’ajuster sans tout casser. Le but, ce n’est pas d’anticiper tous les problèmes, mais de rendre les changements futurs simples à faire. Que ce soit pour scaler, pour refactorer, pour sécuriser ou pour optimiser les perfs.
Les outils et les bonnes pratiques que j’utilise ne sont pas parfaits, mais je les connais bien. Et dans l’ensemble, ils m’aident à faire ce que j’ai à faire sans me battre avec l’infra. C’est ce qui compte le plus.
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